Notion de biologie cellulaire : le tissu le plus minéralisé du corps



     Une dent est constituée de cellules formant d'abondantes matrices extracellulaires. Ces matrices sont minéralisées à différents niveaux, le niveau le plus minéralisé étant l'émail, le moins minéralisé étant la dentine (cf article "Qu'est ce qu'une dent"). Mais qu'est ce que la matrice extracellulaire d'une dent et comment se forment les différents corps?

La matrice extracellulaire :

La matrice extracellulaire est un composite de macromolécules mélangées, dans le cas de la dent, à des minéraux (F, Ca2+, PO4-). 
Les macromolécules sont des protéines et de longues chaînes glucidiques. 
Les constituants protéiques sont variables selon le type de matrice: dans le cas de la dent, la matrice dentinaire, par exemple, n'est pas exactement la même que la matrice pulpaire ou que la matrice de l'émail. 
Cependant les matrices de la dentine, du cément ou pulpaire de la dent présentent des points communs. 
Les protéines de ces matrices sont essentiellement du collagène fibrillaire de type I (le collagène de type I est le composant majeur de la matrice), cependant on trouve aussi du collagène de type III, V et VI, de la fibronectine (qui permet l'adhésion des cellules à la matrice) ainsi que de l'élastine. De plus, selon que l'on soit dans la matrice de la dentine ou de l'émail, on trouve d'autres protéines spécifiques à ces deux matrices.
Les longues chaines glucidiques sont des glycosaminoglycanes. Ce sont principalement des chondroitine-4 et 6-sulfate ; en moindre quantité, on trouve de l'acide hyaluronique et de l'héparane-sulfate. Les glycosaminoglycanes peuvent se lier de manière covalente à des protéines de manière à former des protéoglycanes. Ces derniers sont en faible quantité dans la matrice extracellulaire dentaire. 
On trouve aussi des métalloprotéases matricielles et des facteurs de croissance dans ces matrices. 
Ces matrices se minéralisent au cours du stade embryonnaire par différent processus selon qu'il s'agisse de la dentine ou du cément ; la pulpe restant une matrice extracellulaire non minéralisée.
La matrice de l'émail est différente. Elle est essentiellement constituée de protéines non collagéniques ainsi que de métalloprotéases.



Matrice extracellulaire


  Formation de la dentine:

Pendant le stade embryonnaire, les cellules composant la dent, les cellules de la papille dentaire se divisent et se différencient en odontoblastes. Les odontablastes vont d’abord sécréter de la matrice extracellulaire dentinaire contenant les macromolécules citées ci dessus mais aussi des protéines non collagéniques: les SIBLINGs. Cette sécrétion aux extrémités des odontoblastes, les repoussent vers le centre de la dent.
 
Déplacement des ondontoblastes vers l'intérieur de la dent en formation

Une phase de maturation commence alors. Les metalloprotéases vont dégrader les protéoglycanes et cliver ou dégrader les protéines non collagéniques de la matrice. Le clivage va permettre à une des SIBLINGs de s'activer. Cette dernière: la DSPP organise le dépôt de l'hydroxyapathite dans les fibres de collagène. 
La minéralisation du collagène peut alors commencer. Par le biais des vaisseaux sanguins, les odontoblastes amassent des ions calcium et phosphate. Les odontoblastes libèrent alors des vésicules matricielles par exocytose à leur prolongement dans lesquelles se trouve de l'hydroxyapathite formé par une association d'ions calcium et phosphate ( de formule Ca10(PO4)6(OH)2. Ces vésicules vont se déverser sur les fibrilles de collagène et les cristaux vont être organisés par la DSPP. Durant la minéralisation, les métalloprotéases continuent de dégrader les protéoglycanes et des glycoprotéines.
Les macromolécules qui ont été dégradées et le collagène (majoritaire) qui a été minéralisé permettent à la dentine de former un corps à 70% minéralisé. 

Excursion: les SIBLINGs ( Small-Integrin-binding Ligand, N-Linked Glycoprotéins)

Cette famille contient 5 proteines qui possèdent des caractéristiques commune : ces protéines sont présentes dans l'os et la dentine lors de la minéralisation et la formation de ces tissus, elles peuvent se fixer sur des récepteurs intégrines, ces protéines sont glycosylées et leur gène est localisé sur le chromosome 4.
La protéine qui nous intéresse ici est la sialophosphoprotéine dentinaire ou DSPP. Cette proteines a une séquence de 1301 acides aminés et est synthétisée par les odontoblastes.
Cette protéine est constituée de 3 parties. Lorsqu'elle est entière, elle est inactive. En revanche, lorsqu'elle est clivée deux fois, elle devient active, une partie clivée permet l'organisation des cristaux d'hydroxyapathite dans les fibres de collagène. Une fois clivée, la vie de cette protéine est très courte, elle est fragmentée par les métalloprotéases et réabsorbée par les odontoblastes.


Dentin sialophosphoprotein (DSPP)

Clivage de la DSPP

Formation de l'émail

La formation de l'émail est appelé amélogénèse; cette formation a lieu durant le stade embryonnaire de manière synchronisée avec la dentinogénèse. Ce sont les améloblastes qui sont responsables de l’amélogénèse. 
Les améloblastes proviennent de la différenciation des cellules de l'épithélium dentaire interne et sécrètent des protéines, telles que les amélogénines, l'énaméline, les améloblastines, les tuftélines et les protéases. Ces protéines forment la matrice de l'émail. Cette matrice va subir par la suite une maturation. 


Durant la maturation de l'émail, les tuftélines initient la croissance des cristaux d'hydroxyapatite. Ces cristaux sont séparés durant leurs croissance par les amélogénines qui controlent leur mise en place et empêchent leurs fusions. Puis des protéases vont dégrader les amélogénines (protéines présentent à 90% dans la matrice) qui se trouvaient entre les cristaux d'hydroxyapatite. Cette dégradation va permettre la croissance cristalline des cristaux en épaisseur, faisant ainsi de l'émail un corps extrêmement minéralisé. De plus, d'autres protéases, les KLK4 vont dégrader les autres protéines de l'émail. Lorsque la maturation de l’émail est terminée, celui-ci comporte environ 96% de cristaux d’hydroxyapatite, 3.2% d’eau et 0.8% de protéines.


Lors de l’amélogenèse, il y a des modifications dans la minéralisation, notamment dues à la quantité de fluor présente dans les cristaux d’hydroxyapatite (lorsque la quantité est idéale, l’émail est alors très peu soluble).


Excursion: les protéines de la matrice de l'émail:

L'énaméline: 

Cette protéine est la plus grande protéine de l'émail. Elle représente 1 à 5% de l'émail lors de sa formation et se trouve toujours près des améloblastes. Cependant son poids moléculaire extrêmement faible de 186 Dka fait qu'elle se dégrade très rapidement. 
Le gène codant pour cette protéine est situé sur le chromosomes 4. L'énaméline à beaucoup d'affinité avec l'hydroxyapatite et permet la croissance des cristaux (l'élongation) dans le bon sens.
Lorsque la synthèse de cette protéine est imparfaite cela provoque un manque de formation d'émail engendrant des pathologies dentaire. 
Protéine d'enaméline protéine de 1142 acides aminés


L'amelogénine:

Cette protéine est la plus présente dans la matrice de l'émail (90%) et est très riche en proline,en leucine et en histidine. Ce sont des protéines phosphorylées et non glycosylées et ont un poids moléculaire de 25 kDa.
Cette protéine forme des amas, contrôle l'orientation de l'émail et empêche la fusion entre des cristaux d'hydroxyapatite lors de leur mise en place.

L'améloblastine:

Cette protéine représente 5% des protéines de l'émail en formation. Elle permet l'adhérence des améloblastes avec la matrice de l'émail. 

La tuftéline:

Cette protéine pèse 66 kDa. Cette protéine permettrait la nucléation des cristaux d'hydroxyapatite (initiation de la formation des cristaux).

Les  protéases:

Les protéases sont des enzymes qui clivent les amélogénines (en brisant leurs liaisons peptidiques) et permettent ainsi la croissance des cristaux en épaisseurs. Les MMP-20 clivent le -COOH terminale des amélogénines modifiant ainsi leurs structures et dégradant ainsi les amas d'amélogénines.



Pour en savoir d'avantage sur l'énaméline, rendez-vous sur : http://www.uniprot.org/uniprot/Q9NRM1

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire